Cela devait finir par arriver. Un jour le général Aubanel mourut. Gaston l’apprit dans les pires circonstances possibles. Il avait pris l’habitude de couper les sonneries de son téléphone portable quand il travaillait. Sa Peugeot 307 grise était connectée à son mobile via Bluetooth. Bien qu’il critiquât sans cesse son époque, Gaston se tenait au courant des nouveautés. Il venait de passer les grilles de la préfecture du Var, où il travaillait depuis vingt-cinq ans, quand l’écran de veille de la voiture lui demanda s’il voulait qu’on lui lût le dernier message reçu sur sa messagerie. Machinalement, Gaston grommela qu’il acceptait. Il entendit alors une nouvelle épouvantable. Une voix de robot, une voix métallique avec un accent asiatique, une voix de Vietnamien déshumanisé par la technologie. « Papa est mort. » Gaston crut qu’il rêvait. Il s’arrêta sur le zébra de la maison des quartiers sur le boulevard du 112 régiment d’Infanterie. Il attendit un long moment avant de pouvoir appeler sa mère. Une tristesse bétonnée lui était tombée dessus. Un grand brouillard de tristesse l’enveloppait. Il savait que le vieux n’allait pas fort mais il lui donnait encore quelques mois de survie. Le cœur l’avait lâché. Il avait donc un cœur ?