Je vous propose aujourd'hui la version française d'une analyse remarquable de Joan Pere Pujol
http://sites.google.com/site/joanperepujol/home/biografia/escrits/sabotatge-cultural
La France est un état jacobin communitariste. Par jacobinisme, nous entendons une démocratie annihilée par le centralisme, par communitarisme, une société prétendument égalitaire au service du seul communitarisme français.
Nous analyserons ici la manière comme les médias nord-catalans liés à l’administration appréhendent la réalité de la communauté catalane et les procédés qu’ils utilisent (parfois même sans en avoir conscience) pour désinformer le public à ce propos.
Il paraît très difficile de comprendre les motivations profondes de beaucoup de responsables politiques ou administratifs vis-à-vis de la communauté catalane de l’état français. S’agit-il de provocation ? De bêtise congénitale ou de machiavélisme ? Comment trancher ? Sans doute un mélange des trois.
En dépit d’affirmations sensationnalistes (« catalan, langue officielle »), peu d’initiatives administratives vont réellement dans le sens de la promotion de la langue et de la culture catalanes. Le peu qui est fait est systématiquement saboté comme allons le constater.
On observera que la dénaturation du langage ne date pas de l’époque de George Orwell et de son fameux roman 1984 dans lequel il décrivait avec précision les principes de la « novlangue ». En effet, un siècle et demi plus tôt, en 1797, Jean-François La Harpe expliquait dans son ouvrage Du fanatisme dans la langue révolutionnaire, comment la Révolution Française avait instauré une véritable « théorie du mensonge », en inversant littéralement le sens des mots.
Depuis longtemps, les Français sont passés maître dans l’art de dénaturer le sens des mots. Il paraît ainsi évident dans leur esprit que l’état, c’est la nation, la république, la démocratie et la nationalité, la citoyenneté et inversement.
Ainsi, le mot « Catalan » ne désigne pas dans les médias un membre d’une communauté nationale et ses caractères spécifiques. Non, il s’agit d’un habitant du département français des Pyrénées-Orientales. En conséquence de quoi, les autres Catalans deviendront des « Sud-Catalans » (ce que l’on peut admettre) ou des Espagnols.
Une des caractéristiques de ces Catalans serait que tous passeraient leur week-end à supporter l’équipe de rugby de l’USAP. L’idée que certains d’entre eux auraient d’autres activités, la littérature ou la philosophie catalanes par exemple, ne semble pas leur effleurer l’esprit.
Voici quelques observations concernant la presse écrite éditées par les diverses administrations concernant la communauté nord-catalane.
En règle générale, les quelques articles publiés en catalan sont traduits en français (alors que les articles français ne sont pas eux traduits en catalan !). Parfois, le texte catalan est imprimé en caractères italiques, alors que la version française est toujours proposée en lettres normales. Les textes en italiques sont plus difficiles à déchiffrer. Rappelons également qu’il s’agit de caractères d’imprimerie inclinés vers la droite. Une écriture à genou pour un peuple opprimé !
Autrefois le Conseil Régional du Languedoc-Roussillon éditait une revue trimestrielle en occitan et en catalan bien intéressante intitulée Trobadors. Comme suite à la victoire de Georges Frêche et de sa liste d’union de la gauche à l’élection régionale de mars 2004, cette revue fut supprimée. Le fait du prince…
La revue du Conseil Régional, Vivre en Languedoc-Roussillon, est distribuée gratuitement dans toute la région. Elle propose deux pages en langues régionales. L’une en occitan, l’autre en catalan. Les articles sont toujours bilingues, ce qui réduit de moitié la place octroyée. Beaucoup d’articles se rapportent à des thèmes folkloriques, ce qui apparaît à l’évidence comme une façon de marginaliser les cultures de la région.
Le Conseil Général des Pyrénées-Orientales édite un mensuel intitulé L’accent catalan. Il est précisé « l’Accent Catalan de la République Française ». À lui seul, le choix du titre est bien révélateur du peu de considération des dirigeants départementaux pour la communauté catalane. L’accent, c’est ce qui reste quand on a tout détruit ! L’accent, c’est le ridicule de provincial ébloui par les splendeurs françaises !
L’accent catalan propose une ou deux pages intitulées « catalá », mal orthographié. Et l’erreur est reproduite livraison après livraison, les éditeurs de la revue refusant apparemment d’admettre que le diagramme « á » n’existe normalement pas en catalan !
Dans son numéro 60 (mars et avril 2010), L’accent catalan, nous informe de la publication d’une traduction française du conte catalan Patufet, personnage rebaptisé « Patouffèt » ( ? ). « Pour toute la famille… catalane ou pas ! » précise-t-il. Big Brother n’est, en effet, jamais loin. On se demande d’ailleurs qui pourrait avoir l’idée monstrueuse de faire lire à son enfant un texte en catalan !
France Bleu Roussillon est la principale radio locale de la Catalogne du Nord. Cette station de « service public » (entendez service d’état), ne réserve qu’une place très marginale à la langue et à la culture catalanes. Encore faut-il s’entendre sur le sens du mot « culture ». La station propose, en effet, une vision extrêmement réductrice de la culture catalane. Celle-ci est considérée comme essentiellement populaire (et non pas savante). La station ne propose pas d’informations ou des analyses sérieuses, uniquement des choses plaisantes, de la franche rigolade ! La langue (rarement) utilisée est dialectale et résiduelle. Quand on écoute France Bleu Roussillon, on se rend compte qu’on n’a pas beaucoup évolué depuis l’époque d’Un Tal et de ses catalanades.
Dans une étude consacrée aux radios implantées dans une région où existe une langue romane (corse, catalan, occitan), l’antenne est dans ce cas entièrement bilingue. Ce n’est pas le cas chez nous puisque l’auteur du rapport précise « dans une moindre mesure en Roussillon ». Il faudrait nous expliquer, les raisons de ce traitement discriminatoire parmi les minorités discriminées.
Voici une phrase entendue sur cette station le 2 mai 2010, bien révélatrice de la mentalité dénégatoire et réductionniste de ses animateurs : « Le Roussillon est un terroir » ! Seulement cela ?
Ne nous attardons pas sur la qualité générale des programmes de France Bleu Roussillon, qui est déjà à cent brasses sous tout niveau mesurable. L'image caricaturale de notre communauté est stupide et risible. Il ne manque que les rires enregistrés. N'importe quoi ! du délire... On comprend les sarcasmes de la (défunte) revue satirique El Fiçó à propos de cette station.
France Bleu Roussillon a patronné la publication des deux volumes du Petit dico d’Aquí de Gérard Jacquet, un animateur sur la station depuis 1986. Ces ouvrages ont été des best-sellers. Le premier volume s’est vendu à 10 000 exemplaires. Ils reprennent des rubriques radiophoniques diffusées sur France Bleu Roussillon. Jacquet n’est pas un linguiste, mais un amuseur public. Il explique des tournures dialectales présentes dans le patois français régional. Les éditeurs affirment que ces publications pourraient donner à leurs lecteurs l’envie d’apprendre le catalan. Rien n’est moins certain.
Comme tous les téléspectateurs, les Nord-catalans sont assujettis à la redevance de la télévision française. Or, la quasi-totalité de cette taxe est utilisée que pour la culture française.
Il faut savoir que les rares fois où la télévision française interview un Sud-catalan, on fait pression sur lui pour qu’il s’exprime en castillan au motif qu’elle ne disposerait pas de traducteur alors que le catalan est enseigné dans plusieurs universités françaises ! Nous gardons le souvenir d’une séquence du journal télévisé d’Antenne 2, réalisé à Figueres. Les personnes qui intervenaient dans ce reportage s’exprimaient toutes en castillan. Nul n’ignore en effet que personne ne parle catalan dans cette ville !
La chaîne FR 3 se présente officiellement comme la chaîne des régions, mais elle ne laisse qu’une part insignifiante aux langues et aux cultures minoritaires. À notre connaissance, la seule fois où cette chaîne a diffusé un spectacle occitan filmé et retransmis dans toute l’Europe, ce fut au début des années 80. Il s’agissait de la comédie musicale de Marcel Amont, La Hesta. Cette initiative n’a jamais eu de suite. Dans l’esprit des dirigeants français, la région doit rester un véritable cachot. Il n’est pas question que sa culture et l’information la concernant soit portée à la connaissance publique. La seule culture ayant des visées planétaires ne saurait être que française !
Au total, les langues catalane et occitane ont bénéficié de 30 heures (en 2005) et 32 heures (en 2006). Il faut préciser que la part du catalan ne représente qu’une part minime de ce total. France Région 3 émet chaque dimanche matin en Languedoc-Roussillon une émission de 30 minutes dans l’une des deux langues régionales. Ces langues sont principalement utilisées dans le magazine culturel Viure al païs selon la proportion de trois émissions en occitan pour une en catalan. Viure al païs est parfois supprimé pour divers motifs, le Tour de France par exemple.
Perpignan TV est un canal local diffusé par le câble, reçu par 6 000 téléspectateurs avec un programme d’entrevues en catalan. N’ayant pas personnellement accès à cette chaîne, nous ne pouvons en parler.
Le journal d’information régional du Languedoc-Roussillon est diffusé à 19 h 00. Il concerne en priorité Montpellier et l’Hérault. Les informations relatives aux départements de l’Aude, de la Lozère ou les Pyrénées-Orientales sont plus rares.
France Région 3 dispose d’une équipe de tournage et d’un studio à Perpignan. Ce centre produit un bulletin d’information de 7 minutes appelé « édition locale », alors qu’en fait, il concerne l’ensemble du département. Ce choix n’est pas innocent. Il révèle le peu de considération de l’administration pour notre région nord-catalane.
Par ailleurs, le fait que la mention « Pays Catalan », au singulier, y soit clairement indiquée en incrustation est également révélateur. Cette formule est relativement récente. Elle semble avoir été calquée sur celle de « Pays Basque », terme désignant l’Euskadi Nord. En français, comme en catalan, le mot « Pays » peut désigner des territoires de dimensions très diverses. Cela va du territoire d’une nation à celui d’une localité… En l’occurrence, on vise par là à désigner une petite contrée. Il s’agit de barrer la route aux Pays Catalans, au pluriel, formule diabolique éminemment subversive. En effet, l’expression « Pays Catalans » désigne le concept d'une seule nation qui inclurait tous les territoires où l'on parle la langue catalane.
Enfin, on observera que la formule « Pays Catalan », au singulier, est à la fois inclusive et exclusive. Elle rattache implicitement les Nord-Catalans à la Grande Nation (française). Elle revient aussi à affirmer que les Catalans, ce sont uniquement les Catalans de l’État français, les autres étant des Andorrans ou des Espagnols…
Ces éclaircissements linguistiques révèlent à eux seuls la profonde perversité du système jacobin !
Le centre perpignanais de FR 3 propose un résumé hebdomadaire de l’actualité en catalan les samedis à 19 h 15. Cette émission ne dure que 7 minutes et les séquences sont systématiquement sous-titrées en français.
Le contenu des émissions réalisées par FR 3 Perpignan est parfaitement révélateur de la situation politique et sociale de la région. Tout le monde peut constater que la plupart des responsables administratifs du département ne sont pas des Catalans. Les Catalans sont cantonnés dans un rôle d’exploitants agricoles ou de supporteurs de l’USAP.
Les interventions des Sud-catalans ne sont jamais sous-titrées, mais couvertes par la voix d’un journaliste qui propose une traduction de ses propos. Nous nous rappelons en particulier de l’intervention d’un écologiste. Ses premiers mots étaient audibles. Il disait « A l’estat espanyol… ». Le journaliste traduisit par « En Espagne… ».
Enfin, on observera une méconnaissance totale de l’orthographe et de la prononciation des mots catalans sur FR3 Perpignan. Nous avons droit périodiquement aux éditions du Trabucère, à Figueras, Rosas et Sabadel. Les orthographes hasardeuses comme la San Jordi (sans t), à des majuscules non accentuées comme EDICIO ou PAIS CATALA pullulent. Il arrive même que les noms de communes en français soient mal écrits : Toreilles pour Torreilles !
Ces erreurs sont commises par des journalistes professionnels installés dans la région depuis de nombreuses années. Comment peut-on accepter qu’ils ne fassent aucun effort pour écrire et prononcer correctement quelques dizaines de mots en catalan ? Quel mépris pour les autochtones !
Voilà où nous en sommes arrivés ! Comment sommes-nous tombés aussi bas ? Nous avons tous notre part de responsabilité dans cette situation. Arrêtons donc de soutenir les singes savants du jacobinisme ou de considérer comme « Catalans d’adoptions » tous ces rastaquouères de passage chez nous !