VEF Blog

Titre du blog : Can Mitrofan, el blog de Joan-Daniel Bezsonoff
Auteur : Mitrophane
Date de création : 05-03-2009
 
posté le 23-07-2009 à 14:35:28

Retour à Ithaque

Version française de l'épilogue  de mon dernier livre

Una educació francesa, L'Avenç, mars 2009, Barcelone  

  

 

 

                                                                                        

 

 

 

Durant mon enfance à Massy, je ne m’étais pas rendu compte que la petite ville de la province du Hurepoix était si laide. Je l’aimais parce que c’était ma ville, un coffre où surgissaient de doux souvenirs à tous les coins de rues. Je compris que Massy ne correspondait pas aux canons de la beauté de l’urbanisme lors d’un mariage à Madrid où je me trouvais en même temps que des Parisiens. Quand je leur confiai, content, que j’avais vécu à Massy, ils me présentèrent leurs condoléances.

A présent, comme à l’époque, on distingue deux quartiers. Le vieux Massy et le quartier des Grands Ensembles. Jusqu’en 1958, Massy n’était qu’un bourg de l’Ile de France sans cachet. Un groupe de fermes avec des cours intérieures et quelques pavillons de la belle époque en pierres meulières d’un marron sinistre. Les jardins y sont fleuris, l’herbe toujours verte, les arbres sains.

J’aime la vieille poste de la rue Jules Ferry avec son architecture typique des années 1950, miniature de tant de chambres de commerce coloniales.

L’autre curiosité de Massy c’est le clocher médiéval de l’église Sainte Marie Madeleine, seul rescapé du bombardement de 1944. L’église se situait trop près du nœud ferroviaire Massy-Palaiseau. Pour retarder la progression des renforts allemands en Normandie, les aviateurs anglais eurent la main lourde.

Après un verger on arrive dans le quartier moderne  —les Grands Ensembles— où j’habitais il y a trente-cinq ans au milieu des barres de béton, blanches, bleues et grises. Les squares et les parcs enfantins en abondance, pleins d’essences rares, étaient un paradis pour les gamins. Au fond de l’avenue Nationale commençait le quartier du Noyer Lambert avec l’étang de la Blanchette, cerclé de collines. Les amoureux se promènent au bord de l’étang comme partout. La place de France, en haut de la prairie, attire des gens de toute la région grâce à son opéra. A mon époque, il n’existait pas. Il y avait un parc à voitures, un Prisunic où j’avais acheté un disque avec ‘ Les Polonaises ’ de Chopin pour ma mère et un tomahawk pour moi , l’église Saint Paul et une petite zone commerciale avec un manège.

Mon départ de Massy en septembre 1974 correspondit peu ou prou à ma puberté. Une fin de semaine sur deux, comme le stipulait la loi française sur le divorce, j’allais chez mon père à Antony à dix minutes de voiture de notre ancien appartement de Massy. Un samedi sur deux je prenais l‘autobus pour retrouver mes copains. Sans en avoir clairement conscience, j’essayais d’échapper au naufrage de mon enfance. Je m’obligeais à jouer encore avec mes petits soldats Airfix .

L’océan a emporté tous mes amis de cette époque (1) vers des îles lointaines et inconnues. Grâce à Internet, les réseaux de vieux amis, quelques liens se sont reconstitués. Rencontres décevantes et mélancoliques. On ne peut rien faire contre les tanks et les soldats du temps. La vie n’est pas un château en ruine qu’un architecte peut reconstruire. Non…C’est un désert plein de cadavres, un parc classique avec les plus vieux arbres arrachés. L’amitié qui a survécu à tant de désastres est une fausse fidélité. Ce n’est pas un ami perdu que l’on retrouve mais une autre personne sympathique avec qui nous avons vu, autrefois, le même film à moitié effacé.

Je le sais mais, quand arrive l’été, je ne peux m’empêcher de traverser toute la France et de retourner à Massy. Je me gare au pied de chez moi, devant l’ancien terrain vague où, tous les vendredis soir, Philippe Pilier, pensionnaire à Athis-Mons, arrivait et m’appelait …

Suivant mon caprice, je vais à l’aventure à travers les rues. Il fait très chaud. Je visite un musée vide. Sans collection ni gardiens. Contre toute évidence, je m’obstine à vivre là-bas. Je mange dans un restaurant de Massy, j’achète des vêtements au supermarché Cora —l’ancien Radar de mon enfance—des livres et des revues dans les bars tabacs de Massy comme si j’y habitais toujours. Quand arrive la nuit, je retourne à ma voiture et je m’en vais encore plus triste.

 

 

(1)

Thông Nguyên Nui, Jean-Philippe Marie, Antoine de Rochebrune, Bertrand et Eric de Brun du Bois Noir, Philippe Nomblot, Benoît Mailleux, Muller, Hervé Duval, Benoît Jeanjan, les frères Fabre, Rigal, Thierry Seigneur, Lemiel, les frères Levasseur, Martin, Agnès et Laurent Lavenant, Thierry Brancard, Philippe Brancard, Olivier Brancard, Jérôme et Jean-Michel Franchot, Francis Metaxas, Christian Fritsch, Pierre et Georges Larosa, Nathalie Schindler, Jean et Robert Desbrousses, Xavier Toulon, Olivier Pech, Eric Gré, Yann Leduc, Thierry Capohen, Pierre-Yves Leduc, Jean-Luc Moreels, Bellafleur, Thierry Théodore, Jean Gayrard, Laurent Millou, Jean Fontini, Luc Maranger, Nicolas Deschamps, Pierre-Yves Descombes, Philippe Pilier, Eric Gré, Pascal Moreau, Michel Stobinski, Michel Oufrani, Stéphane Lanson, Bonnet, Rainer, Goncalves, Chagot, Fournier, Duchêne, Ribot, Frédéric Pressi, Bouttier, Guibal, Piccolo