Samedi 30.9.2006. 00:00h
Avec Joël Mettay chez Henri Lhéritier
Critiquer Georges Bush ou Napoléon, oui, critiquer les élites nord-catalanes, non... Bezsonoff, 43 ans, reconnu de Perpignan à Barcelone, avec sept oeuvres derrière lui, détient le virus de l'archive, qui lui permet d'approcher honnêtement la réalité historique. Cependant, sa vision intégrale de Joffre dans le roman "la guerre des cocus" a énervé la mairie de Rivesaltes, patrie du militaire catalan, entraînant l'annulation d'une séance de signatures prévue le 24 mai 2006.
la clau : Le cas Joffre démontre qu'il est impossible de critiquer les Catalans ?
Joan Daniel Bezsonoff : ... Bon, d'abord, un parent de Joffre m'a écrit pour défendre son ancêtre, puis le journal L’Indépendant a affirmé que mon livre était une provocation car il attaquait la figure de Joffre, et finalement le conseil municipal de Rivesaltes a supprimé la présentation du roman au public. Dans mes pages, j'écris : "En dépit des communiqués de victoire publiés fréquemment et la minceur de mes connaissances stratégiques, mon expérience du front m'avait permis de saisir la nullité du général Joffre. Je ne comprenais pas comment le plus célèbre des Catalans pouvait passer pour un nouvel Alexandre alors que la Belgique et tous les départements du Nord étaient occupés par les Allemands. Malgré ses succès initiaux, l'ennemi ne venait pas à bout de notre résistance"... Objectivement, au bout d'un mois de guerre, en septembre 1914, voir la moitié de la France envahie est un terrible bilan...
la clau : Habituellement, l'opinion publique finit par admettre les erreurs des grandes personnalités !
J.D.B. : En théorie oui, comme pour le maréchal Pétain, qui jouissait d'une excellente image avant de se vautrer avec les nazis, ou aujourd'hui avec De Gaulle, car on ose parler des massacres de Harkis en Algérie… Le sentiment public change. Mais à Rivesaltes, lorsque j'ai réussi à présenter mon livre en juillet 2006, pas mal de personnes âgées du village m'on dit "Joffre n'était pas très aimé ici, on l'appelait "Le boucher de la Marne" ou "La carnaval Joffre". En réalité, dès les années 1930, l'historien militaire britannique Basil Henry Liddell Hart affirmait déjà que Joffre était une nullité. Le véritable vainqueur de la bataille de la Marne est le maréchal Gallieni. Joffre, notre bien aimé maréchal catalan, n'est pas enterré dans son village! Les gens de Rivesaltes ne pouvaient pas le sentir et maintenant il est récupéré par la mairie qu'il n'a personne d'autre à mettre en avant. Ils perpétuent seulement une vision positive, mais en 1915, suite à la bataille de la Marne, certains l'admiraient, d'autres pas. En 1916, constatant son incapacité, on l'a mis dehors, on lui a donné un bâton de maréchal avant de lui confier un mission aux Etats-Unis pour s'en débarrasser.
la clau : Cela signifie que la Catalogne Nord se plaît à célébrer des échecs ?
J.D.B. : Exactement. On célèbre Arthur Conte, fils de la ville de Salses, qui vit à Paris sans vouloir jamais rentrer un jour. Cet homme, qui a été PDG de l’ORTF, qui a donc contrôlé la radio-télévision française, en 1972, n'y a laissé aucune empreinte ! Qui avons-nous chez nous ? Annie Pujol, Charlotte Julian, Dani, Jacques Séguéla ? On se raccroche aux branches, et le cas Joffre montre aux gens d'ici qu'en étant hexagonaux ils peuvent arriver au sommet de l'Etat jusqu'à devenir "Chef de l’état-major de l’armée française", pas mal quand même... (Bezsonoff, malicieux, esquisse un sourire)… Même si Joffre est nul, c'est un personnage historique, dans 500 ans on saura qui il était. En renonçant à la catalanité, on peut finir dans le "Petit Larousse"...
la clau : La moquerie publique a disparu du Pays Catalan, mais dans les années 1950 voire plus tard, la troupe théâtrale Les Tréteaux égratignait tout le pays, comme la revue "Tramontane", qui opinait librement sur le pays...
J.D.B. : Tout cela a disparu et il est certain que maintenant on peut critiquer Mireille Mathieu mais pas notre chanteur Albert Bueno. Puisque la critique est un certain visage du succès, elle est absente. Tout cela avec l'aide des médias d'aujourd'hui qui disent "ceci est la Culture catalane". L’écrivain Joan Lluís Lluís et moi, qui sommes d'ici, qui faisons de la culture catalane, nous n'existons pas, même lorsque nous sommes traduits en français. Le catalan, ce n'est pas sérieux : c'est la sardane, manger des escargots, l’USAP, le Burro Català et autres foutaises. Ça leur plaît. La culture catalane spirituelle ne les intéresse pas. Qui parle du génial ingénieur agronome Jaubert de Passa, de Bernat Desclot, un des plus grands auteurs de la littérature catalane médiévale, ou de Maria Antigó, la soeur nord-catalane en attente de béatification depuis 4 siècles ? On ne parle que du peintre Hyacinthe Rigaud, car il a fait carrière aux côtés de Louis XIV à Versailles…
la clau : On ne peut donc pas critiquer sainement les Catalans ?
J.D.B. : Si on souhaite le faire en français, c'est-à -dire avec des répercussions, c'est impossible. En catalan, tout ce que l'on veut est possible, car c'est marginal. Quand j'étais adolescent, l'humoriste Thierry Le Luron, en singeant leurs tics, faisait progresser les artistes et les hommes politiques, ils rectifiaient leurs attitudes… Mais sans critique on ne peut pas s'améliorer.
La Guerre des cocus, Balzac Editeur, 2006.
Commentaires
Quelle audace!
Critiquer (insulter) à ce point le maréchal!...
Allez, Chiche de critiquer la Sardane, Albert Bueno et surtout l'USAP dans un pamphlet régional!
Je vous admire M. Bezsonoff, vous avez des arguments!
VS