Article de Joan-Miquel Touron
Il y a quelques jours, Rigardà enterrait un de ses fils. Comme il était parti du "pays" depuis longtemps, pour le "situer", il se chuchotait que c'était le gendre du "Russe blanc".
Le Russe blanc , je ne l'ai jamais entendu nommé que sous ce patronyme, tant et si bien qu'avant de lire Els Taxistes del tsar je n'imaginais même pas qu'il ait pu avoir un vrai nom. Mitrofan Bezsonoff, Mitrofan? ce n'est même pas un prénom de joueur d'échec ni de danseur étoile.
A Rigardà, pour tout le monde c'était le Russe blanc. Un Russe blanc c'est comme un curé défroqué, c'est toujours plus louche qu'un curé tout court. Un Russe, il faut s'en méfier c'est communiste et ça mange les petits enfants et quand c'est "blanc" il faut s'en méfier doublement.
Pas franc du collier tout ça. Joan Daniel Bezsonoff est petit fils du Russe blanc et il vient de terminer son voyage au côté de son ancêtre. Il est parti en Russie, et l'a suivi à Paris où il fut "taxiste" comme son frère et comme tous les Russes blancs d'ailleurs.
Comment peut-on être Russe et Blanc en même temps? C'est un peu comme s'appeler Bezsonoff et être catalaniste*. Le Bihan ou Manzanares on fini par comprendre, mais Bezsonoff? De Rigardà à Paris et de Paris à Moscou, Joan Daniel a poursuivi ce grand père qui lui a fait cette mauvaise blague et le long de cette route interminable il apprendra à le connaître presque en même temps que nous.
Un très beau livre, un très beau roman, presque une biographie mais avec des tas de sentiments en plus. Nostalgique de la Catalogne et de ce coin de Rigardà catalan qui n'existera plus, Joan Daniel nous fait revivre, aussi, une Russie qui a disparu avec son grand-père. Ha! nostalgie quand tu nous tiens!
* catalaniste est utilisé ici conformément à la définition du dictionnaire pour toute personne intéressée par la culture catalane, comme les latinistes le sont par le latin..