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Titre du blog : Can Mitrofan, el blog de Joan-Daniel Bezsonoff
Auteur : Mitrophane
Date de création : 05-03-2009
 
posté le 08-03-2009 à 15:42:38

LA GUERRE DES COCUS, extrait

Extrait de La guerre des cocus, éditions Balzac, Prix Méditerranée Roussillon 2004  

 

traduit du catalan, La guerra dels cornuts, Empúries, Barcelone 2003

 

 

 

    Dans l’été 1930 Léopoldine voulut qu’on partît en vacances en Autriche. Rédacteur en chef du Républicain, je ne pouvais m’absenter trop longtemps. Le vicomte de Montpeyroux, après une vie consacrée à la patrie, y avait pris sa retraite. Il nous avait invités dans la propriété de son épouse, à Pottendorf, localité de la Basse-Autriche. Florence –première femme de Paul– lasse de porter des cornes, avait accepté le divorce contre une bonne pension. Mes amis s’étaient mariés en 1919. Paul avait beaucoup vieilli. Il avait souvent mal au dos mais il était toujours aussi élégant. Une élégance de gentleman-farmer qui ne se remarque pas. Nos deux amoureux passaient six mois à Pottendorf et, quand arrivait l’hiver, ils s’installaient au château de Montpeyroux. Comme tous les ans, leurs deux fils –Immanuel et Friedrich Wilhem– passaient l’été sur la Côte d’Azur avec leurs grands-parents. Léopoldine et Édith parlaient de philosophie en allemand. Dans quelle autre langue peut-on philosopher puisque, comme chacun le sait, les Allemands descendent directement des Grecs ? Nous, pauvres Latins, nous serons toujours condamnés à la superficialité, à la description de la beauté sans jamais pouvoir accéder à son essence…Avec le vicomte, nous nous entretenions simplement de jardinage, de littérature et un peu de politique.

  • Avez-vous lu Erromango, le dernier roman de Pierre Benoit ?
  • Non –avouai-je–. J’aime beaucoup les livres de M. Benoit mais c’est un farceur. Il bâtit une histoire intéressante et, vers la fin, il semble s’en désintéresser…
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  • Peut-être, mais considérez-le plutôt comme un artisan têtu.
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  • En politique, Paul, qui était tombé amoureux de la fille d’un diplomate ennemi en pleine guerre, se montrait un partisan d’Aristide Briand.
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— Croyez-moi, Pagès….Il n’y aura plus jamais de guerres comme celle qu’on a connue…Je l’écoutais, en savourant une orangeade fraîche qu’Édith avait préparée, en y ajoutant des morceaux de cannelle.

  • Les hommes ont compris la leçon, Pagès…" Nous, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles". De temps en temps, il y aura bien quelques petits conflits régionaux çà et là mais la guerre est démodée…

L’armée française n’était-elle pas la meilleure du monde ? Si jamais un pays ne respectait pas les recommandations de la S.D.N, elle pourrait toujours taper du poing sur la table de négociations.

Édith et Léopoldine bavardaient, avec animation, dans la véranda, charmantes dans leurs robes de cotonnade. Cela faisait des années que je n’aimais plus ma femme. J’avais découvert, avec surprise, que mon corps lui était plus fidèle que mon cœur. Mes sentiments s’étaient évanouis avec tant d’illusions, mais mon goût pour elle ne s’était pas altéré. Bien au contraire…L’évolution de son anatomie me plaisait beaucoup. Édith elle aussi avait beaucoup gagné en beauté depuis Barcelone. La petite jeune fille fluette d’autrefois s’était transformée en une femme splendide. Sacré Paul ! * Il avait encore réussi un beau coup. Le bonheur ne l’avait pas trahi. Comme s’il lisait dans mes pensées, le vicomte me dit avec son sourire de libertin :

— Rien n’est plus beau que l’amour, mon cher * …Nous sommes en 1930 et nous avons encore de belles années devant nous…

 

 

Commentaires

freedo le 08-03-2009 à 16:20:58
Très bon roman!

Je le conseille à tous!