LES HORREURS DE L'AMOUR
Les préjugés ont la vie dure. En France, ou plutôt à Paris, Jean Dutourd passe pour un imbécile. Rendez-vous compte!...Un défenseur de l'imparfait du subjonctif, un puriste patriote et, pour corser le tout, membre de l'Académie française. Mesdames et Messieurs, je dois vous dire que Dutourd est l'auteur d'un chef d'oeuvre oublié Les horreurs de l'amour. Ce beau titre presque pléonastique fut publié en 1963. À la façon de Diderot dans Le neveu de Rameau, mais un Diderot intéressant et profond, Jean Dutourd y raconte, à travers les dialogues entre " moi " et un ami, l'histoire d'amour d'un député, Roberti, et d'une dactylo, Solange, dans les dernières années de la IV République. Tout en causant, nos deux amis se promènent dans la capitale française. Une visite qui donne envie de monter dans le train de neuf heures du soir pour prendre le petit-déjeuner le lendemain à la gare d'Austerlitz. Avec un style simple, Dutourd médite sur la fugacité du bonheur et la bêtise des amants. Il y soutient le paradoxe ( j'avais tant de mal à l'admettre quand j'avais vingt ans ) que Roberti est amoureux de Solange sans le savoir. Il l'aime et refuse de l'admettre. Il le comprendra, naturellement trop tard, et découvrira ainsi les horreurs de l'amour.
Je vous conseille de faire un pèlerinage dans tous les lieux décrits par le maître. Vous visiterez un endroit magique de Paris que presque tous les guides ignorent. Le square Saint-Lambert, perdu au fond du quinzième arrondissement. Sous le soleil fané de l'Île-de-France, j'aime y lire Le Monde et la presse occitaniste. J'y ai connu quelques unes de ces minutes supérieures de l'existence. Après un bon dîner, je marche au hasard à travers les rues laides sous les falaises bourgeoises de l'époque d'Haussmann qui réverbèrent la lune. J'entre dans une petite chapelle du moyen-âge, saturée de tant d'histoire. Je salue une statue, bleuie par la rouille, et cette populace de Paris, si calomniée et si plaisante. Comme Dutourd.