VEF Blog

Titre du blog : Can Mitrofan, el blog de Joan-Daniel Bezsonoff
Auteur : Mitrophane
Date de création : 05-03-2009
 
posté le 10-08-2013 à 18:46:24

Les plaisirs de la vie

 


 

 

Chaque année, en septembre, je m'informais du nouvel emploi du temps de Thibaut, pour pouvoir déjeuner avec lui et Michel Ferrà. Ces apéritifs culturels et drolatiques, ces repas, ces rendez-vous de l'amitié constituaient l'un des plaisirs de la vie. Nous parlions de tout et de rien.


De sa Belgique natale, de l'intercompréhension entre le néerlandais et l'afrikaans, de cinéma (il imitait très bien Pierre Fresnay et je lui répondais avec la voix de Louis Jouvet), de la bataille des Ardennes, dernier coup de dés de Hitler, durant laquelle était morte l'une de ses tantes , de ses dernières vacances, de ce Dieu auquel il ne croyait pas malgré mes exhortations, de la Catalogne Nord qu'il avait adoptée et de la langue catalane qu'il aurait aimé mieux connaître.

Il aimait les langues et en parlait plusieurs avec aisance. Durant ses voyages, il se délectait d'entendre des langages inconnus auxquels il s'intéressait tant par goût de la philologie que par respect pour les habitants des pays qu'il traversait. Je n'oublierai jamais qu'après quelques jours en Pologne, il avait appris des bribes de polonais et élaborait même quelques phrases élémentaires comme un enfant. Thibaut avait gardé de l'enfance, la curiosité, la capacité d'émerveillement devant le monde.


Il me disait souvent ' sun català perquè fa 20 anys que visc a Perpinyà. ' Par dessus tout, Thibaut aimait passionnément la vie et la vie l'aimait. De tous les êtres que j'ai connus, Thibaut était l'un des plus doués pour le bonheur. Il aimait sa femme, ses enfants, les siens, ses amis, son métier. Il s'impliquait ardemment dans des causes nobles et variées comme la promotion de la bicyclette, l'écologie, le syndicalisme, la défense des arbres, des arbrisseaux et des écureuils du Clos Banet.
Il avait même inventé un nouvel idiome, des concepts loufoques pour désigner les inconditionnels de l'automobile comme votre serviteur. Il me traitait avec affection de ' sale bagnolard. ' Je lui répondais alors qu'il n'était qu'un sujet indigne, traître  à son roi, puisqu'il avait dû écrire à  S M Baudoin pour devenir français. 

Thibaut était un homme dans la cité, un homme engagé dans la politique au sens le plus noble du mot. 


Thibaut était passionné, trop parfois mais son humour, son beau sourire, ses yeux bleus si vifs, ses éclats de rire, ses imitations de l'accent bruxellois ou pied-noir emportaient toutes les résistances. Nous l'aimions tous et chacun pourrait évoquer pendant des heures son propre Thibaut, cette amitié qui continue au-delà de la vie, de notre jeunesse et de notre peine.


 

Commentaires

Cécile Natacha le 10-08-2013 à 20:47:57
Un bel hommage ! Meilleures pensées à ceux qui restent, sa famille, ses amis, toi.