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Titre du blog : Can Mitrofan, el blog de Joan-Daniel Bezsonoff
Auteur : Mitrophane
Date de création : 05-03-2009
 
posté le 11-03-2013 à 18:26:02

Rififi à Ria



Dans les premières pages de La gloire de mon père, Marcel Pagnol affirme que tous les manuels d'histoire du monde sont des outils de la propagande des gouvernements qu'ils servent. Le moulin de Valmy, l'ossuaire de Douaumont ou la Bastille font partie des lieux de mémoire de l'histoire de la République française. La Catalogne elle aussi a distingué ses propres lieux de mémoire comme le monastère de Montserrat ou le pin aux trois branches. Ainsi, le village de Ria (Rià en catalan), inconnu de la plupart des Français, occupe-t-il une place centrale dans la construction du roman national des Catalans. Feuilletons la saga, rédigée en latin, Gesta Comitum Barchinoensium.

' Par le récit des Anciens, nous savons qu'à une époque lointaine il y eut un chevalier du nom de Guifré, natif de la ville Arrià, qui est dans le territoire du Conflent, à côté de la Tet, près du monastère de Sant Miquel de Cuixà. '


C'est, en effet, à Ria, autrefois Arrià, que, selon la légende, naquit la Catalogne. Guifré el Pilós (le Poilu, alias Guifre, Jofre ou Jofré. Certains historiens hagiographes firent du maréchal Joffre un descendant lointain du seigneur de Ria. ) Le roi des Francs trempa sa main dans le sang des blessures de Guifré et, tout en passant quatre doigts sur le bouclier doré du comte de Barcelone lui dit ' Ce seront vos armes, comte. ' Ces armes connurent un succès réel puisqu'on les retrouve dans toutes les localités de l'ancien royaume d'Aragon (Catalogne, Aragon, Pays Valencien, Baléares, l'Alguer en Sardaigne ) mais aussi en Provence.


Le drapeau flotte sur la marmite

Ria s'accroche à cette légende comme son château ruiné au rocher. Désespérément. Le voyageur, pressé d'arriver aux pistes de Cerdagne et du Capcir, n'aperçoit peut-être pas le drapeau qui flotte sur les ruines du castel et suit la nationale en passant sous les façades grises. Ici s'achève vraiment la plaine. Quand j'étais petit et partais pour les Angles avec mes grands-parents, c'est là que commençait réellement l'aventure. C'est aussi ici que naquit Robert Vinas, le célèbre historien spécialiste des Templiers en Catalogne et traducteur de nos chroniques médiévales.


Mon curé chez les fantômes

Ria, comme tous nos villages, mérite mieux qu'une traversée rapide. On y distingue quatre quartiers. Le village de Ria proprement dit, le village de Sirach (en catalan on l'orthographie Cirac) et l'ancien hameau de Llúgols. J'aime beaucoup ce village fantôme, rendu célèbre grâce à un curé de fictif, ami de l'abbé Bitarol protagoniste des extraordinaires Històries de la Roca del Duc, antérieures de quarante ans au Petit monde de don Camillo de Giovaninno Guareschi.

A Sirach, colonie de Ria, s'élève l'église de Saint Clément, romane naturellement. Jadis elle dépendait de Cuixà. Son clocher servait aussi de tour de défense contre les envahisseurs. On y trouve encore quelques statues du XVII et du XVIII qui auraient bien besoin d'être restaurées. A notre époque étrange où l'on installe tant de ronds-points inutiles, on laisse pourrir l'héritage de nos ancêtres. C'est ce que l'on appelle le progrès.


Maréchal Vauban, nous voilà

Les gens de Ria appellent la Lliça le quartier aux pieds du château. Ce fut le maréchal Vauban qui procéda à la démolition du château. Il pourrait disputer au cardinal de Richelieu, grand démolisseur de forteresses devant l'Éternel, le titre de plus grand vandale de l'histoire de France. S'il nous a laissé un réseau de citadelles admirables comme Villefranche-de-Conflent, Montlouis, Briançon ou Mont-Dauphin, Sébastien le Prestre de Vauban était aussi un militaire de son temps pas très regardant sur les moyens mis en œuvre pour gagner des batailles. Ce grand bâtisseur causa aussi la mort de milliers de Catalans. Et, Villefranche ne lui doit que le fort Libéria et quelques aménagements comme les bastions. Malgré ce passé cruel, on se sent bien dans les ruelles de Ria. L'église Saint Vincent a du mal à se rappeler qu'elle fut romane tant les générations qui se succédèrent y ajoutèrent leur grain de sel architectural. On y reconnaît un clocher de style lombard, de la ferronnerie médiévale, un parvis en marbre du XVII, deux Vierges romanes pour sauver l'honneur et surtout des retables baroques.

 

 


Comme partout, les vieux lisent le journal dans une odeur de géraniums et guettent le chaland à qui ils pourront raconter leur guerre. On demanderait presque pardon aux chats de les déranger dans leur sieste.


Liverpool au milieu des poules

De l'époque métallurgique, avec des fourneaux qui se maintinrent (il fallait le placer celui-là) jusqu'au début du vingtième siècle, il ne reste pas grand chose. La crise de 1929 et l'éloignement du village provoquèrent la fermeture de ces usines miniatures. Ainsi le village et ses alentours évitèrent-ils de s'enlaidir comme Saint-Étienne ou Saint-Chamond. Le village est resté intact et constitue un excellent point de départ pour les excursions à travers le Conflent. Finalement, il faut bien reconnaître que rira bien qui Ria le dernier....


 

Commentaires

Kimus le 21-03-2013 à 13:01:19
Que Vauban fes aterrar el castell de Rià, bressol del comte Guifré, és tot un símbol. Més clar l' aigua!