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Titre du blog : Can Mitrofan, el blog de Joan-Daniel Bezsonoff
Auteur : Mitrophane
Date de création : 05-03-2009
 
posté le 15-06-2012 à 21:19:38

Don José

Article publié à Cap Catalogne, 15/06/2012

 


Quand j'avais vingt ans, j'aurais donné cinq ans de ma vie pour chanter comme José Carreras. Maintenant, je ne donnerais pas cinq minutes même si mon admiration pour cet artiste n'a pas faibli.

José Carreras, né en 1946 à Barcelone, fut baptisé officiellement José car à l'époque les noms catalans n'avaient pas droit de cité. Dans sa volonté de combattre les séparatismes basque et catalan, le régime de Franco n'autorisait que les noms castillans. Jorge au lieu de Jordi, Jaime ou Santiago au lieu de Jaume, Andrés au lieu d'Andreu etc.

Il est devenu célèbre sous son nom castillan et un artiste ne change pas de nom aussi facilement. C'est comme une marque déposée. José ou Josep Carreras, très attaché à ses origines catalanes, se tient au courant des résultats du Barça quand il chante à l'autre bout du monde. A l'âge de six ans, le petit Pep accompagna ses parents au cinéma Gayarre voir Mario Lanza dans Le grand Caruso. La voix du ténor italo-américain impressionna tellement le gamin que, dès le lendemain, il chanta à sa famille tous les airs du film, avec une prédilection pour ' La donna è mobile ' de Rigoletto.

Six ans c'est un peu tôt pour rigoler, mais Lucciano Pavarroti et Plácido Domingo ressentirent la même fascination pour Mario Lanza. Je ne sais si vous vous rappelez la voix de Lanza. Allez sur Internet et écoutez-le dans ' Be my love ', ' Arrivederci Roma ' ou n'importe quel air d'opéra de Verdi ou Puccini. Comme le dit Robert Sarradé, un de mes amis compositeur de sardanes, ' ' il envoie...' Une autre rencontre. En 1962, Carreras entend Giuseppe Di Stefano dans Le bal masqué de Verdi. Dorénavant il collectionnera les disques du maestro. Josep Carreras excellera dans l'opéra vériste. Au delà de l'artiste, l'homme est admirable. Au faîte de sa gloire, en 1987, les médecins diagnostiquèrent une leucémie aiguë et lui donnèrent une chance sur dix de survivre. Formule compatissante pour lui signifier de mettre ses affaires en ordre et de se préparer à mourir avec dignité. Grâce à la chance, son art, sa volonté, son amour de la vie, Carreras a vaincu la maladie. Bien sûr sa voix s'en est trouvée affectée. Certains spécialistes aigris disent qu'il a l'a perdue. Moi, je me contenterais bien de ce qui lui reste...Carreras, qui a chanté sous la direction de Herbert von Karajan et s'est produit dans les plus grands théâtres du monde, n'a jamais oublié qu'il vient de Sants, village englouti par Barcelone au XIX siècle et que son père, professeur de la République révoqué par les autorités franquistes, dut contrôler la circulation aux carrefours durant des années. A travers sa renommée, Carreras, Catalan exemplaire, a toujours essayé de rendre à son pays ce que celui-ci lui a donné. Lui, le ténor mondialement connu, il a toujours voulu faire mieux connaître les œuvres des compositeurs catalans comme Frederic Monpou et le trésor de nos chansons traditionnelles. Du ' Cant dels ocells ' qu'aimait tant Pau Casals à ' Baixant de la font del gat ' en passant par 'Rosó.' Il a même enregistré en catalan un joli disque de chansons inédites. En vieillissant, Monsieur Carreras garde la beauté et l'allure de sa jeunesse avec l'élégance nostalgique d'un Vittorio de Sica dans Le général della Rovere.