VEF Blog

Titre du blog : Can Mitrofan, el blog de Joan-Daniel Bezsonoff
Auteur : Mitrophane
Date de création : 05-03-2009
 
posté le 08-02-2012 à 19:07:59

Le Moïse de la Catalogne

Article publié danx le numéro 42 de la revue Cap Catalogne

 http://www.capcatalogne.com/

         

 


J'ai souvent eu envie de prophétiser en politique mais je n'ai pas le talent de Hannussen, l'astrologue de Hitler, qui mourut assassiné parce qu'il avait prédit l'incendie du Reichstag. Je suis sûr, néanmoins, que Jordi Pujol restera comme l'un des quatre hommes les plus importants de l'histoire de la Catalogne avec Jaume I (Jacques le conquérant) Enric Prat de la Riba et Francesc Macià. Jordi Pujol, c'est d'abord un physique comme Peter Lorre ou le général Massu. Imaginez-vous une grenouille avec une gueule d'empeigne pas possible. Les électeurs de José María Aznar l'avaient bien vu et leur plaisanterie favorite était ' Pujol, enano, habla castellano ' (Pujol, le nain, parle espagnol.) Fils de la terre, Jordi Pujol, avec son accent du terroir, joue les paysans comme Josep Pla, le grand écrivain à qui il m'a toujours fait penser par son talent, sa roublardise et, disons-le, son génie. Jordi Pujol, qui joue les simplets, est tout de même docteur en médecine et parle, en dehors du catalan et du castillan, le français et l'allemand. Fort bien aux dires des mes collègues qui enseignent la langue de Zweig. Le président Pujol connaît intimement son pays et ses gens. Dans le moindre village, le quartier le plus peuplé, il se sent à l'aise, au milieu des siens.

Si la Catalogne n'était pas aussi petite, engoncée par une législation tatillonne, tolérée entre la France et l'Espagne, Jordi Pujol serait devenu un 'homenot' européen, un de ces géants qui ont façonné l'histoire comme Churchill, Mandela ou Gorbatchev. Jeune, il chanta ' El cant de la senyera ' (le chant du drapeau) devant le caudillo et, après avoir été torturé et humilié, passa deux ans et demie en prison pour avoir osé défier vocalement le dictateur. Elu président de la Generalitat en 1980, il fut constamment réélu jusqu'à son retrait en 2003. Il préféra se retirer en pleine gloire, Cincinnatus moderne, avant que le peuple, ingrat, ne le renvoie à ses chères études. Patiemment, intelligemment, Jordi Pujol, vieux renard sympathique, a su redresser la Catalogne, la préparer à la modernité sans se décourager et en convainquant l'électeur d'adhérer à son modèle de 'convivència ', la cohabitation harmonieuse entre les Catalans de souche et les autres Catalans, pour reprendre l'expression de Paco Candel. Les années ont passé. Trois présidents lui ont succédé. Le docteur Pujol a vieilli mais le vieux sage, ennemi des polémiques débilitantes, s'engage de plus en plus sur la voie de la souveraineté, avec la timidité et la coquetterie d'une jeune fille. Il veut être le Moïse de la Catalogne.